La guerre est douce pour ceux qui ne l’ont pas faite. Conférence d’Olivier Bour

Olivier BOUR le 7 juin 2015 Photo de Jeanette Ferin

Après son intéressante conférence sur l’arbre en 2013, Olivier Bour, professeur de philosophie en classes préparatoires au Lycée Poincaré de Nancy, était à nouveau l’invité de  l’Association des  amis de la Chapelle le dimanche 7 juin 2015.

Voici le synopsis de sa conférence qui a été suivie par une trentaine de personnes.

« Dulce bellum inexpertis, la guerre est douce pour ceux qui ne l’ont pas faite » : cette formule latine, recueillie par Érasme dans son ouvrage de 1531, les Adages, nous invite à nous interroger sur ce paradoxe : alors même que la langue nous fait savoir, par définition, que la guerre est abominable, les hommes n’en continuent pas moins au fil de leur histoire à se faire la guerre. Il y a aurait une pente de la guerre.

Ceux qui ne l’ont pas faite savent bien que la guerre n’est pas douce, mais ils voudraient croire qu’elle l’est. C’est que la guerre a ses prestiges. D’où cela vient-il ? La guerre implique que le monde se fait menaçant de toutes parts, que la mort se fait imminente. Or, imaginer la guerre de sorte que cela nous paraisse agréable, c’est en quelque sorte apprivoiser le possible et le dominer en quelque manière, y compris le possible menaçant et l’inquiétant. Il n’est pas en ce sens surprenant que la guerre puisse nous paraître douce.

D’autant qu’en nous joueraient des ressorts qui nous la feraient secrètement désirer. C’est Freud qui explique que la guerre nous offre l’occasion de manifester notre toute-puissance, de nous exposer au moins fantasmatiquement à l’idée que notre moi est beau et invulnérable. L’ambivalence des sentiments est telle que la guerre est la possibilité rendue imminente de la disparition d’un être cher… qu’inconsciemment nous haïssons en même temps.

La guerre est affaire de fantasmes ; ceux qui ne l’ont pas faite et la croient douce n’ont pas pleine conscience de l’influence des noces de Mars et de Vénus sur la direction de nos désirs. Si les hommes ont tendance à être attirés par la guerre, c’est qu’ils imaginent que l’épouse fidèle rendra les justes et doux honneurs au retour vainqueur de son époux guerrier. Oui, décidément, dulce bellum inexpertis. Au moins, tâchons de ne pas être dupes de notre fascination pour la guerre.

Vous pouvez télécharger l’article de Jeannette Férin publié dans le quotidien Vosges Matin : La Guerre est douce pour ceux qui ne l’ont pas faite – Olivier Bour 7 juin 2015